image: Marco Longo
“Celui qui tente d’interpréter le monde comme un énigme est mû par un instinct sévère, granitique, profond, violent, comme par le pressentiment qu’au fond des choses se dissimule un fil conducteur qui, une fois découvert, offrirait la possibilité de tracer le plan pour sortir du labyrinthe de la vie et, en même temps, par un instinct de jeu, léger, avide d’imprévu, saisi de l’ivresse de celui quitte avec une lenteur calculée les voiles de l’inconnu”
Giorgio Colli – Philosophie de l’expression
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Dans le jeu des échecs Zugzwang indique ce moment quand on est obligés de jouer en déplaçant une pièce, ben qu’on sache qu’en jouant on perdra quelque chose, ou même tout.
Qu’est-ce qu’on bougera, et surtout de quelle manière pourra-t-on bouger?
Jusqu’à quel moment le mouvement est-il un élan vital et quand est-ce qu’il devient une fuite ou un pat?
Deux individus, frère et soeur, se retrouvent comme deux pions dans un jeu d’échecs. Il tracent et retracent ce plateau de 64 carrés comme à travers un labyrinthe, qui contient toutes leurs possibilités de mouvement et de relation. Chacun de ces carrés est un monde, une énigme à traverser et déchiffrer. Par des détours, des emboîtements et des impasses les deux essaient de renverser le jeu, en fléchissant ses règles, et ils se demandent à quel niveau de liberté ils peuvent aspirer tout en restant dans un ordre préétabli.
Vouloir connaître vraiment ce que l’on connaît déjà déclenche un labyrinthe de pas, riche d’obstacles et sans répit.
Il faudra devenir comme des vagues, estomper toute solidité préétablie, accueillir toute porosité et accepter aussi de ne pas être.
Mais l’horizon a les couleurs du matin.
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Notre recherche se concentre sur l’image du ZugZwang, c’est-à-dire le moment quand le joueur est obligé de faire un mouvement sur l’échiquier, bien que cela ne lui apportera aucun avantage ni lui permettra d’avancer. C’est à ce moment précis que le jouer se retrouve contraint de faire un mouvement qui servira au jeu en général plutôt qu’à sa stratégie personnelle. Ce qui nous intéresse de cette situation c’est le fait que là pour la première fois le joueur réalise que ce n’est pas lui qui mène le jeu mais plutôt qu’il en fait partie.
Le jeu devient donc plutôt un joug et la logique contraignante de l’échiquier prend le dessus sur la liberté d’action du joueur. Pour pouvoir à agir, le joueur devra prendre en compte le fait que toutes ses possibilité de bouger sont déjà inscrites dans le labyrinthe de relations et directions du jeu.
En transposant la syntaxe de l’échiquier dans d’autres sphères de l’existence, elle nous rappelle une logique contraignante qui définit notre identité, notre présence dans le monde ainsi que le cadre hiérarchique de relations dans lequel nous avons grandi, et par conséquent nos possibilités présumées.
Le dilemme est donc de savoir si, comme le joueur, nous devons continuer à bouger selon les règles ou les abandonner, ou – troisième possibilité – accepter l’impasse comme un défi pour trouver une nouvelle façon de bouger, une façon qui puisse nous aider à dépasser l’obstacle.
C’est à partir de ces considérations que nous avons abordé un travail de composition dont le but était de faire émerger une écriture de base, une matrice. Nous avons donc identifié un spectre de 64 figures, à évocation des cases de l’échiquier. Ce spectre est doué d’une structure familiale, une sorte d’arbre généalogique, dans lequel ces figures ancestrales entretiennent une relation préétablie et toute transition d’une figure à l’autre est inexorable, inflexible et doit être parcourue avec précision, si l’on veut avancer. Par là notre intérêt a été celui de tisser un labyrinthe de directions, dans lequel tout mouvement a une nature contraignante. Dans cette partition close de mouvements construite en forme d’arbre généalogique c’est la direction à déterminer le mouvement, et non l’envers.
Nous nous sommes donc retrouvés à traverser et retraverser sans un vrai horizon ce labyrinthe contraignant, une grammaire de directions et combinaisons qui n’aboutit nulle part. Le défi, souvent douloureux, a été de rester fidèles à la partition de l’arbre, sans l’abandonner pour des chemins d’évasion incongrus ou pour des simples échappatoires. Et au même temps nous avons essayé de comprendre s’il y avait la possibilité d’une certaine forme de mutation au long de la répétition aveugle des mêmes mouvements; s’il était donc possible de désamorcer la nature oppressive de la partition et arriver à faire de manière différente le même trajet que nous avions fait déjà tellement de fois pendant les répètes : s’il existait dans le cadre clos une quelque forme de liberté, bien sût une liberté toute particulière qui a plus à faire avec l’envie de faire différemment plutôt que de vouloir faire toujours quelque chose de tout à fait différent. Et c’est là que nous avons trouvé une nouvelle approche à la partition, une approche qui ne renverse pas le cadre mais qui ne le subit pas non plus : la tentative de ne par briser le fil avec ce qui existe déjà, mais de l’habiter et le réanimer en le mettant en jeu toujours à nouveau, en essayant de faire différemment plutôt que de vouloir faire quelque chose de différent.
Ce qui était une ombre est aujourd’hui une branche, précisément cette branche-là. Je dis qu’elle est une branche, car elle me fait penser à cette autre branche que j’ai vu une fois et pas à autre chose. C’est par cela que je peux dire que cette ombre est quelque chose, car quelque chose qui lui est pareil a existé avant elle. Elle n’est pas seule et peut donc être connue.

ph. Piero Tauro
Sur la scène nous sommes accompagné.e.s par le musicien Amedeo Monda, avec lequel nous avons composé un tissage de figures sonores qui s’accorde avec notre entrelacement chorégraphique. L’éclairage a été conçue avec Tea Primiterra.
La question qui nous accompagne est : la faille saura-t-elle devenir une éclosion?
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50 minutes
de et avec : Gennaro Lauro et Elisabetta Lauro
composition et performance musicale : Amedeo Monda
lumières: Tea Primiterra
production: Associazione Sosta Palmizi (Italie), Compagnie Meta (France), Cuenca/Lauro (Allemagne)
Co-production: Festival Danza in Rete off – Teatro Comunale Città di Vicenza (Italie)
Partenaires: ResiDance XL – linux et projets de résidence pour créations chorégraphiques – action du Réseau Anticorpi XL – Network Jeune Danse d’Auteur coordonnée par L’arboreto – Teatro Dimora di Mondaino–Coordination action ResiDance XL pour le Network AnticorpiXL en collaboration avec: Teatro Akropolis, Teatro Pubblico Pugliese – Consorzio Regionale per le Arti e la Cultura, Comune di San Vito dei Normanni e TEX – Il Teatro dell’ex-Fadda avec le soutien de CSC di Bassano del Grappa
accueilli et soutenu par : Festa di Teatro Ecologico di Stromboli (Italie); Teatro in-folio / Residenza Carte Vive (Italie); Invito alla Danza – Barletta (Italie); Ménagerie de Verre (dir: MT Allier); CND – Pantin; CENTQUATRE- Paris.
Sélectionné pour la NID platform 2024, vitrine internationale de la danse italienne.
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prochaines dates:
7 novembre 2024 – UniDram, Potsdam (Allemagne)
19 décembre 2024 – Teatri di Vetro, Rome (Italie)
dates passées:
2 Novembre 2022 – Testimonianze Ricerca Azioni, Teatro Akropolis, Gênes (Italie) – avant-première
6 Décembre 2022 – Teatro Belloni, Barlassina (Italie) – préouverture
29 Avril 2023 – Festival Danza in Rete /Teatro Civico Schio (Italie) – première
5 Mai 2023 – Azioni in Danza, Barletta (Italie)
7 Juin 2023 – Nel Blu, Teatro Basilica, Roma (Italia)
22 Juillet 2023 – Umbria Danza Festival, Perugia (Italie)
8-18 août 2024 – FIDCDMX, México (Mexique) – annulée –
4-5-6 octobre 2024 – Teatro della Contraddizione, Milan (Italie)
12 octobre 2024 – Teatro Comunale, Vicenza (Italie) – dans le cadre de NID 2024
Presse:
Akropolis, la danza dei Lauro apre il Festival Testimonianze ricerca azioni – Elena Nieddu, L’Invito – 3.11.22
Intervista a Elisabetta e Gennaro Lauro su ZugZwang – 11/2022
Teatro Akropolis. Testimonianze ricerca azioni, vol. XIII – Genova, AkropolisLibri, 2022, pp. 81-102 di Gennaro Lauro ed Elisabetta Lauro – (a cura di) C. Tafuri, D. Beronio – 11/2022
ZUGZWANG – Francesco Bettin, Sipario – 06.05.23
Una ragnatela di spostamenti: ZugZwang al Teatro Basilica di Roma – Giuseppe Distefano, Exibart – 17.06.23
ZugZwang – l’immensità di una mossa forzata – Serena Spanò, RadioKaos – 03.07.2023
